Réflexions et infos navales, littorales et portuaires

Transports urbains : La ville en naviguant (1/3)

Les modes de transport urbain sont l’objet d’une grande attention dans les métropoles modernes. La congestion du réseau automobile oblige à réfléchir à des alternatives où les bateaux ont toute leur place. Depuis l’antiquité déjà, les grandes cités se sont installées au bord des cours d’eau, sur les estuaires et dans les baies protégées. Les voies fluviales et maritimes étaient les plus efficaces pour les échanges commerciaux. Il en découle qu’aujourd’hui de nombreux pôles urbains sont coupés en deux par des fleuves ou des bras de mer. Les plus développés ont construit des ponts ou creusé des tunnels tout au long de leur histoire et particulièrement depuis l’avènement de l’automobile. Ces infrastructures sont désormais souvent saturées et l’impact environnemental de nouveaux équipements serait important. La flexibilité et le faible coût du transport par ferries le rend par conséquent de nouveau pleinement pertinent.

Nous chercherons ici à présenter dans un premier temps des éléments historiques sur les transports urbains fluviaux dans les deux villes européenne et américaine de Nantes et de New York. Nous réaliserons ensuite un tour d’horizon des moyens existants et en cours de déploiement en France et ailleurs, avec une attention particulière aux évolutions tant en terme d’usage que de techniques.

Perspective historique

La croissance des villes au XIXè siècle et le développement des industries ont créé un besoin de transport collectif des ouvriers vers leurs lieux de travail. Dans les cités construites sur des voies d’eau, un service de bateau a souvent été créé. Nous verrons dans les deux exemples suivants à quelles fonctions il répondait et quelle forme pratique il revêtait.

New-York

La ville de New York est construite à la confluence de l’Hudson et de l’East River (bras de mer très protégé). Manhattan, cœur de l’activité de la ville, se situe sur la péninsule entre les deux fleuves. Avant 1883, l’absence d’infrastructure permettant de traverser les deux cours d’eau principaux a imposé l’utilisation de bateaux pour les déplacements des nombreux ouvriers travaillant à Manhattan et vivant dans les autres quartiers.

Plus de 100 lignes ont traversé l’Hudson dans les 300 dernières années. Ces ferries ont accompagné toutes les évolutions techniques de la voile au moteur à explosion en passant par la vapeur. Dès 1700, le premier Comte de Bellomont a accordé une concession à Samuel Bayard pour opérer un passeur entre Weehawken, N.J., et Manhattan. Ce premier service a été actif pendant 100 ans. Par la suite, d’autres liaisons se sont organisées. Une compagnie de vapeurs au départ de Hoboken a fonctionné en continu pendant 145 ans, jusqu’en 1967. A sa fermeture, il s’agissait du dernier vapeur de l’Hudson.

En 1871, la New Jersey Midland Railway a racheté la ligne de Weehawken. En association avec trois autres compagnies ferroviaires, elle ouvrit le Weehawken Terminal en 1884. Il comprenait 5 appontements pour les ferries et 16 voies pour des trains de passager. Un bel exemple, il y a plus d’un siècle, des enjeux d’intermodularité, toujours au cœur des réflexions actuelles. Au maximum du trafic en 1927, environ 27 millions de passagers traversaient entre le New Jersey et Manhattan. L’ouverture du Holland Tunnel en 1927, puis du pont George Washington en 1931, et du Lincoln Tunnel en 1937 ont tari la demande de ferries. La fermeture de la dernière ligne pour Weehawken en 1959 a mis fin à 259 ans de service.

Terminal de ferry Erie Lackawanna

Terminal de ferry Erie Lackawanna

L’intérieur de ces ferries pouvaient être relativement luxueux. Plus d’informations et de photos en suivant les liens ci-dessous:

Worldshipny.com

Hudsonriver.com

Nantes

Jusqu’aux travaux de comblement des années 1930, l’eau était omniprésente dans le centre ville de Nantes. Les activités économiques et notamment la construction navale étaient naturellement concentrées sur les quais, principalement de la Loire. Seul deux lignes de ponts permettaient de traverser le fleuve à l’intérieur de la ville. De plus, il était impossible de réaliser des ponts sur la partie aval du fleuve sans bloquer le passage des voiliers, ce qui aurait nui à l’activité portuaire. L’éphémère pont transbordeur, construit en 1903 et détruit en 1958, ne pouvait accueillir l’ensemble des ouvriers quittant le sud de la Loire tous les jours pour travailler dans les chantiers de Chantenay et de l’île de Nantes.

Nantes Le pont transbordeur

Nantes Le pont transbordeur

A partir de 1887, un service dit d’omnibus de Loire, appelés communément roquios, du nom du premier bateau de la flottille, assure la liaison entre Trentemoult et le quai de la Fosse en centre-ville. Le Roquio, long de 17,62 m, large de 4,62 m et jaugeant une vingtaine de tonneaux, est propulsé par une machine à vapeur de 60 chevaux. Hormis le premier, construit à Chantenay, tous les autres ont été construit en acier riveté et lancé en 1888 par les chantiers d’Argenteuil, dans le Val-d’Oise. Leur point commun est une cheminée jaune cerclée de noir. Au début, le pilote tient la barre à l’arrière, debout et en plein air, dans une position inconfortable. Les accostages sont difficiles car la cheminée gène la visibilité. Une cabine de pilotage, postionnée plus à l’avant sera installée par la suite. Un mécanicien et un matelot pontonnier complètent l’équipage. On note ici que les besoins d’efficacité et la spécificité de l’usage sont peu à peu pris en compte. Le mode de déplacement des ouvriers de l’époque est le vélo. Un garage à vélo de Trentemoult enregistrait sur le quai jusqu’à 120 gardiennages par jour. Le parking-relais actuel a donc de lointains ancêtres ! Le développement de la voiture et la désindustrialisation du centre-ville auront peu à peu raison des roquios et en 1970, leur service est interrompu. Trois de ces coques flottent encore aujourd’hui; deux d’entre elles sont restaurées. Plus d’informations sont disponibles au lien suivant : association des bateaux du port de Nantes.

Les roquios ont répondu aux besoins d’une ville industrielle en phase d’étalement alors que les transports individuels n’étaient pas encore la norme. Avec le retour de la promotion du transport collectif, ils reviennent sur le devant de la scène comme nous le verrons dans la deuxième partie.

Crédits photographiques (sous licence CC BY-NC-SA 2.0)
 
Terminal de ferry Erie Lackawanna par George Lane
Nantes le pont transbordeur : Carte postale libre de droit

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