Réflexions et infos navales, littorales et portuaires

Transports urbains : La ville en naviguant (3/3)

Après avoir balayé dans les précédents volets de la série les aspects historiques et internationaux, intéressons-nous pour cette dernière partie à l’Hexagone . On a récemment vu fleurir les lignes de transport par bateau dans les grandes capitales régionales françaises. Voici une liste non exhaustive des projets, des moyens techniques et de leurs spécificités.

 Toulon

Toulon, vedette conventionnelle

Toulon, vedette conventionnelle

Le réseau Mistral est le premier réseau maritime urbain français. En 2012, 2,6 millions de passagers ont navigué sur les lignes toulonnaises. Les navettes assurent une desserte entre le centre de Toulon et les villes résidentielles de la rade, évitant les nombreux embouteillages des routes côtières. Les navires en service actuellement, d’architecture traditionnelle, atteignent des vitesses de 6 à 8 nœuds.

Une volonté d’investissement existe. L’entreprise s’est dotée de nouveaux pontons à Toulon en 2013, afin d’augmenter le nombre de postes à quai. Deux navires à propulsion hybride construits chez Transmétal Industries viennent d’être mis à l’eau. Ils peuvent accueillir 98 passagers et mesurent 22m. Les batteries, rechargées le soir à quai, permettront de manœuvrer en mode « zéro émission ». En cas de besoin, un groupe électrogène assure la production d’énergie. L’avenir dira quel sera le ratio entre le temps d’usage en électrique pur et celui avec le groupe électrogène. C’est en effet lui qui permettra de savoir le bilan écologique réel de l’opération.

 Marseille

Le ferry boat de Marseille

Le ferry boat de Marseille

Le premier port méditerranéen français se modernise à grande vitesse depuis 10 ans. L’armateur MSC a lancé une navette pour ses employés, leur permettant de rejoindre le siège de la société depuis le centre-ville via le port. Dans le cadre de la diversification des transports, la ville lui a emboité le pas et a mis en place des services de navettes entre le Vieux-Port, Pointe-Rouge au sud et l’Estaque au nord. Celles-ci ne circulent pas toute l’année. Elles s’arrêtent entre octobre et mars. Ne disposant que de deux navires, le trafic reste limité mais semble remporter les suffrages des utilisateurs. La RTM annonçait 571 021 passagers en 2013. Les bateaux utilisés ne sont malheureusement pas adaptés à des conditions de mer qui peuvent être difficile en cas de mistral. Cela entraîne l’annulation régulière des traversées. Le développement de moyens spécifiques permettrait d’améliorer le service.

Le Ferry-Boat traversant le vieux port est une institution marseillaise depuis 1880. Il permet aux piétons de franchir les 283 mètres séparant les deux rives. Le passeur fonctionne à l’énergie électrique depuis son remplacement en 2010. Il est rechargé à quai la nuit, avec un complément par panneaux solaires. Son usage reste très spécifique et son intérêt très folklorique.

Bordeaux

Le Batcub (Bordeaux)

Le Batcub (Bordeaux)

La ville de Bordeaux a lancé en mai 2013 un service de bateaux bus sur la Garonne. Il s’agit de deux catamarans de 19m à propulsion hybride construits par le chantier Dubourdieu à Gujan-Mestras. Ils peuvent accueillir 45 passagers et six vélos pour un déplacement lège de 6 tonnes. La technologie électrique a été développée par ECA EN. Petit clin d’œil historique, ils sont baptisés Hirondelle et Gondole du nom des anciennes compagnies assurant la traversée du fleuve au début du XXè siècle.

Après les deux exemples maritimes précédents, cette application fluviale en zone abritée permet d’avoir recours à des embarcations plus légères où l’électrique est plus simple à mettre en place. Néanmoins, le fort courant de la Gironde a posé quelques problèmes lors des premiers mois.

 La Rochelle, Les Sables d’Olonne, Saint-Denis

Passeur de La Rochelle

Passeur de La Rochelle

AltEn est l’entreprise française pionnière en terme de bateaux électriques. Le passeur de La Rochelle en 1998 a été la vitrine de développement de la société, associée au CRAIN. Ce projet soutenu par l’Union Européenne a permis de valider la pertinence de la technologie mise en place. Depuis, la ville de La Rochelle a ajouté au passeur un service de bateau-bus plus grand desservant le port des Minimes. AltEn a ensuite réalisé des bateaux pour Saint-Denis permettant de desservir les entreprises de la Plaine depuis le RER. Ce projet est porté par la société privée Icade et non par les opérateurs publics de transport. Les Sables d’Olonne se sont aussi équipés.

AltEn présente désormais sur son site une offre semi-standard. Ils annoncent à ce jour une autonomie de 16 h à 12 km/h (environ 6 nœuds). Le choix des batteries et du mode de recharge sont les enjeux majeurs. En effet, contrairement aux exemples précédent, la recharge se fait uniquement à quai, sans solution alternative à bord, hormis en option.

 Lorient

La ville morbihannaise a un réseau important, constitué de 4 lignes fonctionnant toute l’année dans la rade, avec des conditions hivernales difficiles. Elle opère aujourd’hui des navires pour certains vieillissants. Un appel d’offre pour un navire dit zéro émissions a été lancé en 2010. Celui-ci, remporté par STX Lorient, a abouti à la livraison par le chantier au mois d’octobre 2013 du catamaran Ar Vag Tredan. La technologie électrique retenue est différente des précédentes. Des supercondensateurs remplacent les batteries, permettant une recharge à quai extrêmement rapide (4 min) à chaque rotation. Le navire de 22m, accueillant 113 passagers et 10 vélos, est testé actuellement sur la ligne la plus courte. Deux moteurs diesels sont montés afin d’assurer une propulsion de secours.

Calais

Terminons notre tour par le nord ! Calais a mis en service en 2013 un service de bateau-bus sur le canal la reliant à la ville voisine de Coulogne. Ce catamaran, exploité à vitesse lente (12 km/h), nécessite uniquement 125 CV pour le transport de ses 70 passagers. Il est intéressant de noter que l’exploitation sera duale : transport public et croisière –diners pour 44 couverts. L’espace intérieur et l’ensemble des équipements réglementaires ont du être pensés pour ce double usage et un passage rapide de l’un à l’autre. La limite de vitesse très basse sur les canaux est souvent un frein concurrentiel par rapport au transport terrestre de passagers. Par contre, le bilan écologique est extrêmement favorable. L’avenir dira quel est l’équilibre calaisien.

 Conclusion

Ce panorama n’est pas complet mais montre déjà la diversité des offres actuelles et des approches selon les villes, les administrations et les climats ! Un constat est clair : le sujet intéresse les métropoles françaises, preuve en est l’inauguration en 2013 de multiples lignes. De plus, la tendance est à l’écologie avec un développement des bateaux électriques. Pour autant, les caractéristiques doivent être adaptées aux sites (courant, vent, mer) et surtout au reste du réseau de transport. La possibilité d’embarquer son vélo devient la norme. Une fois fiabilisées les propulsions propres, restera à les rendre rapide. En effet, l’étalement urbain implique des trajets longs où les catamarans rapides et les foilers (risque de débris mis à part dans les ports et les fleuves) tiennent encore le haut du pavé. La variété des réponses fait en tout cas la joie du concepteur et permet de rêver à une généralisation de ces transports alternatifs partout où cela est possible.

Plus d’informations :
Réseaux des villes : Toulon, Marseille, Bordeaux, La Rochelle, Les Sables d’Olonne, Lorient, Calais
Constructeurs : Transmétal Industries, Dubourdieu, AltEN, Alumarine
Plus d’infos sur les super condensateurs : ici
Une étude prospective toulonnaise de 2011 : ici
Crédits photographiques :
Toulon, vedette conventionnelle : Mau photo (CC BY-NC-ND 2.0)
Le Ferry-Boat : Georges Seguin (CC BY-SA 2.0)
Le Bat Cub : CUB (CC BY-NC-ND 2.0)
Passeur de La Rochelle : Jean-Pierre Bazard (CC BY-SA 2.0)

2 réponses à Transports urbains : La ville en naviguant (3/3)

  • La ville en navigant;
    Il manque à votre étude Buenos Aires dont tout le quartier de Tigre se trouve dans le delta du Parana avec ses habitants et ses travailleurs permanents. Le nombre de bateaux qui y circulent et qui y travaillent est phénoménal, depuis les cargos qui remontent le Parana, jusqu’aux « pirogues » particulières permettant de se rendre dans le moindre arroyo, on y trouve les moyens de transports publics (les lanchas), les navires à touristes (les catamarans), les vedettes taxis, et tous les types de bateaux de travail pour l’exploitation et le transport du bois, les transports de carburant divers (y compris le gaz) …. les ambulances et les superettes flottantes qui approvisionnent chaque jours les habitants et résidents du quartier. Pour notre part nous disposons de quelques photos sur ce sujet.

    • Merci Alain pour cette suggestion.
      Je n’ai en effet pas pu évoquer toutes les villes et j’ai donc du faire des choix arbitraires, mais face aux divers conseils de lecteurs, je vois qu’une nouvelle série pourrait s’imposer, voir qui sait une visite sur place! Je suis évidemment preneur de photos et disponible pour discuter!
      J’en profite pour inviter les lecteurs à soumettre les thèmes qu’ils souhaiteraient voir traiter.
      N’hésitez pas à me joindre à l’adresse contact@mer360.fr.
      Briag

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