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Exploitation minière sous-marine, une ruée vers l’or sous haute tension

Rocksaw trencher

Rocksaw trencher

Les conflits de souveraineté entre la Chine et ses voisins font en ce moment l’actualité. On parle souvent de revendications nationalistes, parfois aussi, comme lors des derniers affrontements avec le Vietnam, des enjeux économiques liés au pétrole. Pourtant, même si l’or noir est bien un sujet sensible, des alternatives sont en développement. Il semblerait que le prochain défi sous-marin majeur soit l’exploitation des métaux et autres terres rares. Les institutions internationales l’ont bien compris mais se gardent d’en faire une trop grande publicité. Les risques environnementaux pourraient  créer de vives réactions dans l’opinion… Nous étudierons ici les enjeux politico-économiques. Les moyens techniques développés et en cours de développement feront l’objet d’un article ultérieur.

Contexte économique et juridique international

Face au besoin croissant de métaux rares, notamment dans l’industrie high-tech, leurs prix ont fortement augmenté. De plus, la majeure partie de ces matériaux est fournie par la Chine, les puissances occidentales en ayant cessé l’exploitation à cause de l’impact écologique négatif pour les riverains. Pour des raisons géologiques, les réserves sous-marines sont extrêmement importantes, notamment en eau profonde et restent pour l’instant vierges de toute exploitation. Elles sont donc l’objet de toutes les convoitises.

Une agence a été créée par les Nations Unies en 1994 pour veiller à la gestion des ressources du sous-sol offshore : l’International Seabed Authority (ISA), basée en Jamaïque. Elle a pour mission d’élaborer la loi internationale sur le sujet, d’établir un code minier et surtout d’attribuer les permis d’exploration dans les eaux internationales. L’autorité regroupe aujourd’hui 166 membres sur les 193 de l’ONU (voir liste ici). On compte malheureusement un grand absent: les Etats-Unis qui avec un statut de simple observateur se placent en dehors de la loi internationale.

La Commission des limites du plateau continental, autre entité onusienne, joue un rôle essentiel. Suite à la convention de Montego Bay en 1982, les états peuvent réclamer une extension de leurs droits sur le plateau continental et par là-même sur les richesses de ses fonds. C’est cette commission qui trace ces nouvelles frontières sous-marines. Nombreux sont les pays, dont la France, qui déposent des requêtes afin de s’assurer des ressources pour l’avenir. Ces demandes ne sont pas sans ranimer de vieux conflits. La France est par exemple en froid avec le Canada au sujet des eaux autour de St-Pierre et Miquelon, revendiquées par les deux états. La France a lancé le programme EXTRAPLAC (EXTension RAisonnée du  PLAteau Continental), visant à maximiser son domaine sous-marin qui atteindrait 13 millions de km² en cas d’acceptation, l’amenant au premier rang mondial.

Il faut aujourd’hui le soutien d’un pays pour obtenir un permis en zone internationale. Etant donnés les coûts et le caractère hautement technologique dans le cas des fortes profondeurs, les permis sont en général liés à des financements publics, avec l’aide technique de grands groupes. Nombreux sont les permis obtenus et non utilisés. Tous les grands pays (Chine, Russie, Inde, Japon…) ont obtenu des autorisations d’exploration. Le stade de l’exploration n’a cependant pas été dépassé dans les eaux internationales

Les débuts de l’exploitation commerciale dans les eaux nationales

De Beers, société luxembourgeoise experte du diamant, exploite depuis plus de 10 ans les dépôts de l’embouchure du fleuve Orange en Namibie. Sa filiale Debmarine possède 5 navires opérant entre 90 et 140 mètres de fond. De Beers produit désormais plus de diamants « sous-marins » que de terrestres en Namibie. Le coût de telles opérations est élevé mais reste raisonnable : du fait de la relativement faible profondeur, les techniques sont proches du dragage classique.

Le premier site en eau profonde est sur le point d’ouvrir en Papouasie Nouvelle-Guinée. La société canadienne Nautilus Minerals a annoncé avoir trouvé un accord avec le gouvernement local pour lancer sous peu l’exploitation de minerais de cuivre et d’or. Les machines sont en cours de fabrication. Le champ de Solwara1 se situe à plus de 1000 mètres sous la surface et sera donc le premier en grande profondeur (deep subsea selon les standards de l’industrie pétrolière).

Quid des risques environnementaux?

Fond sous-marin

Fond sous-marin

Les projets en cours et leurs développements préoccupent fortement les écologistes. En effet, les profondeurs exploitées sont mal connues. L’écosystème y est riche et fragile. La majorité des sites visés est à proximité de lieux d’activité sismique, connus pour leurs biodiversités. L’exploitation des nodules polymétalliques dans cette zone implique de remuer une quantité importante de sédiments, sans aucune idée des conséquences sur les espèces vivantes.

Face à ce risque, certains pays commencent à s’inquiéter, à l’image de la Nouvelle-Zélande qui a interdit en juin 2014 l’exploitation de minerai de fer par Trans Tasman Resources. Les autorités ont considéré que les conséquences du rejet de millions de mètres cubes de sédiments sur la faune n’étaient pas assez maîtrisées à ce jour.

Comme toujours, on prend le chemin de l’expérimentation sans contrôles dans des pays pauvres comme ceux du Pacifique ou d’Afrique. Espérons que ces essais n’auront pas de conséquences environnementales et sociales dommageables…

Pour en savoir plus :
Rapport du Sénat de 2012 sur la « maritimisation »
Société Nautilus Minerals
Site surveillant l’évolution en Papouasie Nouvelle-Guinée : Ramumine
 
Crédits photographiques :
Rocksaw trencher : Global Marine System (licence CC BY-ND 2.0)
Fonds sous-marins : NOAA Ocean Explorer (licence CC BY-SA 2.0)

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