Camouflage disruptif : le cubisme au service de la Marine
Parce que les bateaux gris ne l’ont pas toujours été : petite histoire du camouflage disruptif : une peinture que les galeristes contemporains ne renieraient pas !
De l’art de la feinte
Au cours de la première guerre mondiale, le développement des sous-marins est une nouvelle menace pour les bâtiments de surface des marines alliées. Les U-boot allemands font des ravages parmi la flotte civile et militaire. Après avoir repéré leur cible, les sous-mariniers allemands évaluaient la distance et la vitesse du navire visé par des moyens optiques. La base de la méthode est la superposition de deux images de la cible reflétée par des miroirs disctincts.
Face à ces risques, les différentes armées ont cherché des solutions. Afin d’être moins visible, différentes couleurs furent proposées dont certaines surprenantes telles le rose Mountbatten.. C’est finalement la méthode proposée par le peintre Norman Wilkinson qui est retenue par la Royal Navy. Ne pouvant se soustraire complètement à la vue des périscopes, il propose de tromper l’ennemi sur les mouvements du bâtiment. Par l’utilisation de motifs courbes et variés ainsi qu’une symétrie avant / arrière, il crée des illusions d’optique empêchant le sous-marinier de superposer les images. Afin de compliquer la situation, on ajoute aux formes des couleurs, principalement noir, blanc, vert et bleu. L’estimation de vitesse est erronée et la torpille ne peut donc atteindre sa cible.
La méthode dite du « dazzle painting » littéralement peinture embrouillante est très utilisée à la fin du premier conflit mondial, donnant lieu à des œuvres dignes des meilleurs peintres cubistes !
Une tradition mise à mal part l’aviation et les radars
Au cours de la deuxième guerre mondiale, deux innovations majeures signent la fin du camouflage disruptif.
Le développement des radars permet de se passer des instruments optiques. Vitesse et direction de la cible sont déterminées indépendamment de la vue du navire à couler.
Un navire aux couleurs bariolées se repère facilement depuis les airs. Le développement de l’aviation rend ces peintures dangereuses. L’US Navy les ré-adoptera un temps dans le pacifique quand les japonais n’auront plus d’avions.
Aujourd’hui..
Quelques navires continuent d’arborer des livrées étranges. Il s’agit principalement de patrouilleurs côtiers rapides. Le but est de tromper des forces terrestres modestes plus que des sous-marins.
Ce patrimoine étonnant intéresse aujourd’hui les historiens mais aussi les artistes contemporains. En effet, une parenté esthétique avec le street-art existe. Des navires dans le monde ont été repeints en « dazzle painting ». Le dernier est le « Maillé-Brézé » qui devrait être repeint par des graffeurs pour l’opération « Maillé Zébré » dans une réinterprétation des motifs de l’époque… Affaire à suivre !
Pour en savoir plus :
Collection de plans de la Rhode Island School of Design
Tout sur le DazzleCamouflage
Crédits photographiques :
Livrees USS Fletcher : secondeguerre.net, M33 : Anguskirk, USS Leviathan : Joe Haupt, USS Nebraska : Taylor S-K, Maillé Brezé : Thierry Llansades, Autres photos dans le domaine public
Ca y est, le Maillé-Brézé est peint en camouflage, des images sur le compte facebook de mer 360 :
https://www.facebook.com/mer360?ref=tn_tnmn