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Abandon de navires : vers un début de droit?

Le Captain Tsarev abandonné à Brest

Le Captain Tsarev abandonné à Brest

C’est suite à la lecture dans la revue 6 mois d’un très beau reportage photographique intitulé Le port de la poisse, que j’ai eu envie de traiter de l’abandon de navires, sujet peu glorieux pour le monde maritime. Il faudrait plutôt parler de marins abandonnés. En effet, c’est ce que la série de portrait de Patrice Terraz montre bien : au-delà du problème juridique, c’est d’humains ignorés qu’il s’agit et qui subissent des traitements que la SPA ne tolèrerait même pas pour des chiens.

Une situation peu glorieuse

Aujourd’hui de nombreux armateurs peu scrupuleux peuvent profiter de vides juridiques pour abandonner un navire et son équipage sans se soucier des conséquences.

Les trois scenarii les plus courants sont les suivants :

  • Un navire ancien, le plus souvent battant pavillon de complaisance, subit une avarie et doit se dérouter pour réparer. Le coût d’intervention étant trop élevé, l’armateur préfère tout arrêter et laisse tout le monde sur place, équipage compris….
  • Un contrôle de l’Etat du port montre des défaillances de sécurité importantes. Les autorités bloquent le navire. Le montant des travaux et l’amende sont supérieurs aux gains espérés par l’armateur. Même conséquences que le cas précédent…
  • L’armateur fait faillite et le navire reste au port. Personne ne se soucie de rapatrier l’équipage.

Les chiffres de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) et de l’Organisation Maritime Internationale (OMI) font froid dans le dos : entre 1995 et 2006, 541 navires ont été abandonnés; en mars 2014, 159 navires étaient abandonnés, certains depuis 2006.

Derrière ces chiffres, il y a des centaines de marins, laissés sans aucune ressource financière au fond des bassins des ports de commerce. Ils survivent en général grâce à la solidarité de la communauté locale. Quelques exemples ont réussi à émouvoir les médias français, tel l’affaire du Matterhorn à Brest. Les associations locales (Morglaz notamment) avaient permis de mobiliser les bonnes volontés et ainsi de fournir de la nourriture à l’équipage. En effet, les problèmes majeurs sont l’alimentation et l’hygiène à bord, plus aucun moyen n’étant à disposition d’équipages naviguant déjà sur des bateaux âgés. Les navires au mouillage rencontrent des difficultés encore plus grandes. L’ITF (International Transport Worker’s Federation) essaie de défendre pour le mieux les intérêts de navigants en finançant quand elle le peut des rapatriements. Elle peut aussi demander le blocage du navire en cas de demande de l’équipage quand les preuves de non respect du droit sont apportées.
Pour autant le meilleur levier de négociation pour l’équipage est la cargaison qui vaut souvent nettement plus que le navire. Une fois celle-ci débarquée, il est à la merci complète de l’armateur. Or, un des problèmes principaux est l’organisation juridique. De manière à limiter les risques, les armateurs indélicats créent une société par unité (Notion de « Single Ship Company »). Ils peuvent ainsi mettre celle-ci en faillite en cas de problème sans mettre en péril le reste de leur activité. Les pays d’immatriculation n’ont aucun problème à voir rouvrir l’année suivante une nouvelle société par la même personne. Le système peut ainsi perdurer…

Un peu d’espoir..

Malgré tout, un peu d’espoir existe, au moins sur le plan humain. En août 2013 est entrée en vigueur la MLC 2006, traité international sur le droit du travail maritime. Dans le cadre des institutions liées à cette convention, des discussions se poursuivent sur la protection des marins abandonnés. Ce 11 avril 2014, un amendement sur le sujet a été adopté en commission, il devra être voté en juin par l’OIT. Celui-ci prévoit que tout navire battant pavillon d’un état signataire devra pouvoir présenter un certificat justifiant que l’armateur peut assurer la sécurité financière de l’équipage par une assurance, un fond national, un système de sécurité social ou équivalent.

Il reste donc à espérer qu’en attendant que l’on s’attaque au problème de fond qu’est l’impunité que certains pays assurent à des armateurs malhonnêtes, l’application de la MLC 2006 permette de respecter au moins la dignité des marins..

Plus d’informations :
Base de données de l’OIT des navires abandonnés
Seafarer’s right (Association de défense des marins)
ITF (Syndicat international du transport, secteur naval)
Revue 6mois
Patrice Terraz (Photos de l’article de la revue 6 mois)
 
Crédits photographiques sous licence CC BY-SA 3.0 :
Captain Tsarev par Gaëlle FILY

2 réponses à Abandon de navires : vers un début de droit?

  • Caro Briag l’articolo e’ molto interessante, mi ha fatto riflettere su un altro problema simile, la crisi economica ha reso troppo oneroso il possesso di vecchie barche da pesca, da diporto ed imbarcazioni a vela..molte di queste finiscono affondate per non dover sostenere i costi dello smaltimento..con notevole inquinamento dei nostri mari….un problema che sembra non interessare nessuno!

    • Grazie Lore. Infatti, il problema dello smaltimento delle piccole imbarcazioni è una sfida del momento. Ci sono qualche iniziative in Francia, ma poche. Sarà forse l’oggetto di un prossimo articolo!! Comunque, grazie a te, mer360 diventa un media internazionale!!