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Porte-conteneurs : le coût du gigantisme… (2/2)

Après un premier article consacré aux gains financiers limités apportés par les méga porte-conteneurs et aux coûts pour les ports, ce deuxième volet s’intéresse aux défis logistiques qu’ils induisent et à la nécessaire adaptation des politiques publiques.

Défis logistiques et engorgement

Grues sur le port de Hambourg

Grues sur le port de Hambourg

Les nouveaux navires créent un engorgement de la chaîne logistique. Moins de navires, de plus gros gabarit, escalent chaque semaine dans les ports. Chacun débarque un nombre de conteneurs plus important, créant un pic de charge pour les dockers et manutentionnaires.

Le temps d’escale moyen est de 1.03 jour dans le monde, atteignant 0.5 jour au Japon. Un méga porte-conteneur reste environ 20% plus longtemps. Afin de limiter le temps à quai, deux approches sont possibles : améliorer la productivité des grues ou augmenter leur nombre.

La largeur des navires impose des cycles de déchargement plus long : la portée plus importante des grues implique une translation plus grande jusqu’au quai. Dans certains ports, il est nécessaire de retourner le navire afin de décharger l’autre bord. La productivité des grues est donc limitée par la taille des navires.

Conteneurs sur le port de Southampton

Conteneurs sur le port de Southampton

D’autre part, le nombre de grue est contraint par deux facteurs. La largeur des grues standards empêche de décharger deux baies contiguës. On ne peut vider simultanément qu’une rangée sur deux. De plus, chaque grue nécessite une voie de circulation sur le quai pour les engins. L’espace disponible à terre contraint le nombre de voie, donc de grues.

Une fois à terre, les conteneurs doivent quitter la zone portuaire pour le stockage en entrepôt puis la livraison au client. Chaque méga navire crée un pic de trafic routier. Afin de l’absorber, il est nécessaire d’améliorer les infrastructures et de développer les alternatives fluviales et ferroviaires, permettant une densification de la marchandise. Ces plateformes multimodales représentent un investissement élevé mais offrent un gain écologique. Afin de lisser le trafic, le travail de nuit se développe, mais il demande une plus grande flexibilité aux employés du secteur. Le coût est ici social.

Les voies de recherche actuelles sont le déchargement simultané sur les deux bords et sur deux baies contiguës. Le gain de productivité est porté par les équipementiers qui développent des outils toujours plus rapides. Le record de productivité est aujourd’hui de 123.16 mouvements par heure.

Solutions pour une meilleure répartition des coûts

Comme nous venons de le voir dans les paragraphes précédents, le gigantisme des navires apporte un gain aux armateurs (plus via les améliorations technologies que par effet d’échelle ), mais coûte aux autres opérateurs et à la société en général. Comment réguler cette évolution ?

La tarification portuaire est actuellement indépendante de la taille du navire. Il pourrait être intéressant de l’indexer sur ce paramètre de manière dissuasive.

Exercice de remorquage du CMA-CGM Marco Polo

Exercice de remorquage du CMA-CGM Marco Polo

Le dragage notamment, représente une charge pour les finances publiques. En conséquence, des pays comme les Etats-Unis ont mis en place une taxe dédiée pour les navires en escale : la HMT (Harbour Maintenance Tax ). Là encore, le tarif peut être modulé en fonction du tirant d’eau du navire.

Aujourd’hui, les armements bénéficient de subventions. Celles-ci pourraient être indexées sur le coût du navire pour la collectivité. De même, les ports font face à une concurrence féroce et cherchent donc à capter les navires importants. Pour autant, l’investissement public y étant élevé, on peut imaginer une conditionnalité des aides. Ceci nécessite une approche supra nationale pour éviter les distorsions de concurrence.

L’OMI n’a pas tendance à adopter des mesures contraignantes. Les pétroliers à double coque ont été imposés suite à des catastrophes. Faudra-t-il un accident pour limiter la taille des porte-conteneurs ?

Volet précédent : Porte-conteneurs : le coût du gigantisme… (1/2)

Crédits photographiques :

Grues à Hambourg et Conteneurs à Southampton : Mer360

Exercice de remorquage du Marco Polo : Droits réservés : Marine Nationale

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