Réflexions et infos navales, littorales et portuaires

Garde–côtes, des navires variés pour des fonctions multiples (2/2)

Après les deux exemples américains traités en première partie, où toutes les fonctions sont assumées par une seule entité publique, il est intéressant de comparer avec des pays européens aux pratiques différentes.

Italie

L’Italie est parmi les exemples traités, le pays le plus proche du modèle américain avec des fonctions de garde-côte assurées par une entité quasi unique : la Guardia Costiera / Capitaneria di Porto, aidée par un corps auxiliaire de volontaires. Là aussi, il s’agit de militaires sous tutelle d’un ministère civil, en l’occurrence le ministère des Transports. A noter qu’en plus des traditionnelles attributions (Sécurité / Pêche / Gestion réglementaire du pavillon / Protection de l’environnement), elle est en charge de l’Archéologie sous-marine, importante dans un pays à l’histoire si riche!

La Guardia Costiera existe sous sa forme actuelle depuis 1989, fruit de l’évolution des « Capitaineries portuaires » héritées pour les plus anciennes des Républiques Marines Italiennes de Gênes, Pise, Amalfi et Venise. Elles étaient alors en charge de la gestion de la marine marchande et des infrastructures portuaires. L’institution s’est illustrée dans l’actualité récente par ses nombreuses actions de secours aux réfugiés arrivant d’Afrique à Lampedusa et en Sicile. Son responsable de Livourne, M. De Falco, est devenu une fierté nationale pour sa gestion du naufrage du Concordia au large de l’île du Giglio. Il a en effet tenu tête, avec des propos très fermes (voir crus…) au commandant Schettino qui avait abandonné le paquebot en difficulté. Il a ainsi contribué à restaurer pour les italiens un amour-propre mis à mal par Schettino.

Les embarcations en service sont majoritairement des vedettes de secours rapides ainsi que quelques patrouilleurs. Une nouvelle classe de navires hauturiers est en construction. Le deuxième exemplaire vient d’être livré par le chantier Castellamare di Stabia de la Fincantieri, en baie de Naples. Il s’agit d’un patrouilleur de 94 m sur la base des OPV militaires, avec la capacité d’accueillir 60 naufragés.

L’accent est mis en Italie sur la récupération de naufragés, malheureusement fréquente. Les embarcations en sont le reflet. L’agence Européenne FRONTEX a financé plusieurs vedettes aluminium de 18.8m, dotées de 2 x 1000CV, atteignant 30 nœuds et pouvant accueillir jusqu’à 20 naufragés. Celles-ci, construites par le chantier Codecasa Due à Viareggio, ont pour particularité d’être auto-redressables.

Vedette rapide italienne

Vedette rapide italienne

Il est à noter dans le débat actuel sur la régulation des flux migratoires, qu’au plus fort des traversées dues aux combats en ex-Yougoslavie, la GC a eu une base en Albanie. Des accords lui permettaient d’agir directement dans les eaux territoriales albanaises. Ces enjeux d’organisation influent aussi sur les moyens nécessaires, hauturiers ou côtiers. De telles initiatives limitent tant les besoins en matériel que les risques encourus par les migrants.

Espagne

 La situation espagnole est l’une des plus proches du modèle français. Quatre institutions séparées assurent les missions suivantes :

  • Mission de police : La Guardia Civil
  • Contrôle douanier : Les Douanes
  • Environnement : mission gérée au niveau local selon des formes variées
  • Mission de sauvetage : Salvamento Maritimo

De par leurs positions géographiques, les côtes espagnoles sont particulièrement sujettes au développement de la contrebande et de l’immigration illégale. A la sortie du franquisme, l’Etat espagnol a créé le département maritime de la Guardia Civil. Les premières vedettes ont été mises en service pour les JO de Barcelone et l’Exposition Universelle de Séville en 1992. Plusieurs modèles de vedettes ont ensuite été développés avec le chantier espagnol Rodman de Vigo. Leurs caractéristiques essentielles sont la vitesse et la sécurité pour des missions côtières.

Vedette de la Guardia Civil espagnole

Vedette de la Guardia Civil espagnole

Face à l’afflux de migrants aux Canaries en 2007, la Guardia Civil a acheté plusieurs navires d’occasion de grandes dimensions (anciens navires de pêche ou de soutien aux plateformes pétrolières, peu adaptés aux missions), les utilisant comme patrouilleurs océaniques. Elle a ensuite lancé la construction d’un navire répondant à ses besoins, livré en 2010 le Rio Segura.

Dans le même temps, le Salvamento Maritimo remplit, depuis 1993, des missions de sauvetage, mais aussi de lutte contre la pollution et de contrôle du trafic maritime. Suite au naufrage du Prestige en 2002, la carence en moyens de remorquage adaptés a notamment amené à la construction de plusieurs remorqueurs de haute-mer polyvalents. Ils combinent capacité de traction et équipements de sauvetage. Les navires de l’organisme, tous récents, sont particulièrement conçus pour leurs missions, dotés de zones de pont surbaissé pour la récupération de naufragés, d’une infirmerie pour les plus gros. Le Salvamento Maritimo opère de plus des moyens légers en partenariat avec la Croix Rouge espagnol.

Remorqueur du Salvamento maritimo

Remorqueur du Salvamento maritimo

Vedette du salvamento maritimo

Vedette du salvamento maritimo

France

Pour finir, un petit mot du système français qui comme souvent oscille entre les deux approches vues ci-dessus de guichet unique ou de services séparés.

Il a été créé en 2009 la « fonction garde-côte ». Celle-ci s’ajoute au Secrétariat générale de la Mer pour assurer toutes les fonctions listées précédemment. Elle doit permettre une coordination, au sein d’un commandement groupé, des différentes entités en charge de l’action de l’Etat en mer (reconnaissables par les bandes tricolores sur la coque), à savoir : la Gendarmerie maritime, la Police, la Police aux frontières, les Douanes, la Sécurité Civile et la Marine Nationale ainsi qu’au besoin l’IFREMER, le SHOM ou la SNSM. (A noter qu’en France, la SNSM, entièrement bénévole n’est liée directement à aucune des entités précédentes). L’objectif est aussi de rationaliser les équipements et d’en assurer la meilleure répartition sur le territoire.

Les nouveaux projets ont pour vocation d’être le plus adaptés à la mission, à l’image du projet de patrouilleurs légers pour la Guyane, particulièrement attentif au tirant d’eau. L’objectif annoncé est de multiplier les financements interministériels afin de mutualiser les moyens. Malgré cela, le projet B2M qui vient d’être attribué, annoncé en interministériel est finalement financé, au moins pour les deux premiers à 100% par la Marine.

Comme on l’a vu dans les différents exemples ci-dessus, loin d’être exhaustifs (d’autres articles viendront peut-être !), les gardes-côtes ont des missions nombreuses et variées. L’approche en est différente dans chaque pays, avec des compromis en fonction des besoins locaux, des volontés politiques, des contraintes géographiques… L’actualité de l’immigration ne doit pas mener à standardiser et spécialiser les bateaux vers cette unique mission.Leur variété est le reflet des rôles du garde-côte.

Crédits photographiques (Sous icence CC BY-ND 2.0 ):
Vedette rapide italienne : dmytrok
Vedette de la Guardia Civil espagnole : Roberto Pla
Remorqueur du Salvamento maritimo : Salvador Moreira
Vedette du Salvamento maritimo : Landahlauts

Laisser un commentaire