Réflexions et infos navales, littorales et portuaires

Nourriture : A table avec les marins du XVIIè…

Trois Mats Elissa / Bill Staney/CC BY ND 2.0

Trois Mats Elissa / Bill Staney/CC BY ND 2.0

Si le régime alimentaire des marins du XVII ème siècle est souvent décrit dans les livres, sa connaissance reste théorique. Pour mieux appréhender ses apports nutritionnels et les conséquences sur la vie des  marins, une équipe de recherche de l’Institut d’Archéologie maritime du Texas lance un projet de reconstitution.

Des connaissances parcellaires

Si le menu est l’objet de descriptions régulières par les marins dans les journaux de bord et récits de traversée, c’est en général pour se plaindre. Il s’agit le plus souvent d’expéditions catastrophiques où la cambuse est remplie de nourriture pourrie et d’équipages proche de la mutinerie dont l’impartialité du jugement sur leurs repas peut être mise en doute.

Des listes de vivres embarquées ont été retrouvées et il est donc possible de connaître le type d’aliment composant le repas. Pourtant, la conservation à bord est mal connue. On sait que le salage détériore la valeur nutritionnelle, mais dans quelles proportions ? C’est l’objet de l’étude lancée par Grace Tsai, chercheuse à l’Institute of Nautical Archeology (INA).

Sélectionner les ingrédients les plus proches

Depuis le XVIIème siècle l’agriculture a fortement évolué. Pour coller au plus près à la réalité, l’équipe de Grace Tsai a cherché des ingrédients dont les caractéristiques soient le plus proche de celles des produits utilisés par la Royal Navy. Ainsi, le bœuf provient d’un élevage du Devon dont la race n’a que peu évolué. Le sel sera importé d’Europe et même s’il ne contiendra pas de restes d’animaux putréfiés, il s’approchera du produit de l’époque !

Appliquer les recettes d’époque

Biscuit de marin / Wellcome Images, London/CC BY 4.0

Biscuit de marin / Wellcome Images, London/CC BY 4.0

Une part importante de la recherche menée par l’équipe américaine tient dans la détermination des recettes. Si les biscuits de marin sont facile à reproduire, le salage du bœuf est plus complexe. La découpe est l’élément critique. Avec de trop petits morceaux, la viande est entièrement mangée par le sel. Si les quartiers sont trop gros, le sel ne pénètre pas et la viande pourrit à l’intérieur. Il y a fort à parier que les problèmes rencontrés aujourd’hui l’étaient aussi à l’époque…

Christopher Dostal, un spécialiste du brassage a mis au point le procédé de production de la bière. Pour cela, il a écumé les bibliothèques d’archive pour obtenir une reconstitution de l’English Ale la plus fidèle possible ! Si la qualité de l’eau et des céréales sont bien connues, le type de levure utilisé à l’époque reste mystérieux.

Conserver comme au XVIIème

Tonneau / Droits : Grace Tsai

Tonneau / Droits : Grace Tsai

Des tonneaux en bois ont été construits pour le stockage de la viande salée et de la bière. Ils sont la reproduction de ceux retrouvés sur l’épave du Warwick, navire britannique coulé en 1619 aux Bermudes.

Les biscuits seront conservés dans des toiles de jute.

Afin de reproduire une transatlantique de trois mois, les denrées seront déposées en aout 2016 dans les cales du Tall-Ship Ellissa, à quai dans le port de Galveston. Si le navire du XIXème a une coque métallique et une hydrométrie plus faible, les scientifiques estiment que le vieillissement reste comparable. Peut-être une opportunité d’essai à plus long terme pour l’Hermione ?!

Des relevés réguliers

Porc salé / Droits Grace Tsai

Porc salé / Droits Grace Tsai

Durant les trois mois de l’expérience, des échantillons seront prélevés et analysés sur les aliments pour déterminer leurs propriétés nutritionnelles et les bactéries présentes. Les résultats, recoupés avec les prélèvements effectués sur les corps de marins retrouvés sur la Mary Rose (1545 ) ou le Vasa (1628), permettront de mieux connaître les maladies et l’état de santé des équipages. Au delà de l’aspect atypique de la démarche, ces nouvelles connaissances aideront à l’analyse de la vie à bord des navires et de leurs conséquences historiques.

A la question que tout le monde se pose : gouterez-vous les produits, Christopher Dostal répond : « Evidemment que je boirai la bière! Personnellement je ne testerai pas du bœuf salé qui vieillit depuis longtemps, mais de la bière, c’est de la bière. » A quand la transat 100 % historique ?

Pour en savoir plus :

Site de l’INA

Crédits photographiques :

Trois Mats Elissa : Bill Staney/CC BY ND 2.0

Biscuit de marin : Wellcome Images, London/CC BY 4.0

Tonneau et Porc salé : Grace Tsai

 

Laisser un commentaire