Lord Jim
A travers le roman de Joseph Conrad, ce n’est pas seulement l’océan indien que l’on explore, mais aussi la conscience d’un jeune officier face à ses responsabilités.
Des pèlerins entassés sur un navire hors d’âge et un équipage en fuite
Le jeune Jim, personnage principal du récit, a toujours voulu vivre des aventures héroïques sur les mers du globe. C’est pourtant sur le Patna, vapeur en fin de vie que nous le retrouvons en tant que second. Il assure le transport de pèlerins pour la Mecque depuis l’Inde. Ceux-ci sont entassés comme du « pétail » selon le capitaine allemand. Lors de la traversée, une collision avec un objet inconnu provoque une voie d’eau. C’est alors que les membres occidentaux de l’équipage abandonnent le navire. Jim doit faire face à ses rêves de bravoure et ses responsabilités d’officier. Ainsi raconte-t-il le moment décisif et sa difficulté à assumer sa fuite.
« Allons saute ! » Le navire s’enfonçait, s’enfonçait sous mes pieds […]
« J’avais sauté… » Il s’interrompit et détourna le regard… « Il faut croire » ajouta-t-il.
A travers les longues descriptions dont il a le secret, Conrad nous fait vivre de l’intérieur les réflexions du héros. La tension de ces instants cruciaux est glaçante. L’abandon d’un navire plein de passagers incapables d’en assurer la gestion résonne malheureusement avec les images quotidiennes en provenance de Méditerranée.
Culpabilité, sens des responsabilités et reconstruction
Le récit du procès qui fait suite à l’Affaire du Patna, amène à réfléchir au rôle des officiers sur un navire. La fameuse image du capitaine, dernier à quitter le navire, est mise à mal par un patron du Patna, en fuite. Seul Jim est présent à l’audition. Le capitaine Brierly, juge de la cour, est quant à lui un officier à l’image parfaite, mais dont on voit les failles intérieures. A travers ces portraits croisés, l’auteur nous amène à réfléchir au sens des responsabilités et aux conséquences sur la vie des marins. Jim fait une telle affaire d’honneur de cet épisode malheureux qu’il mettra des années à se reconstruire, en quittant la société des blancs pour devenir Lord Jim. Et pour combien de temps…?
Sujet intemporel et aux résonances actuelles
L’image de navires surchargés livrés à eux mêmes par des équipages sans scrupules fait tristement écho avec l’actualité méditerranéenne. Les passeurs d’aujourd’hui se posent-ils les mêmes questions que Jim ? J’en doute. Plus proche du scénario, le commandant du Concordia, qui affronte lui un procès, a-t-il eu les mêmes cas de conscience ?
En tout état de cause, ce livre pose la question de la responsabilité et de l’attitude face au danger. Celle-ci est primordiale dans le monde maritime (et ailleurs…). Il évoque aussi la reconstruction de l’amour propre après de telles épreuves. Sans apporter de réponses, il dérange au bon sens du terme et se penche sur la question de la valeur de la vie humaine. Une réflexion d’actualité à laquelle je vous invite avec Conrad…
Lord Jim, de Joseph Conrad
Livre de Poche : dernière edition 2007
Ecrit en 1900
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