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Affaler : des écueils au canapé…

Affaler un spi

Affaler un spi

S’affaler dans un canapé. Voilà une activité qui ne nécessite aucune formation marine préalable! Pourtant, les racines de cette expression remontent aux navigateurs flamands d’avant le XVème siècle. Deux origines semblent possibles : afhalen qui signifie abaisser ou faire descendre en néerlandais et afvalen qui lui signifierait tomber selon le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL).

Du maritime…

Dans son usage transitif, affaler prend dès le XVIIème siècle le sens de pousser à la côte, faire risquer le naufrage. On peut citer l’exemple du journal de Lapérouse :

… les vents sautèrent alors du sud au nord avec assez de violence, sans que cette saute de vent eût été annoncée par aucun nuage; le ciel était clair et serein, mais il devint très noir, et je fus obligé de m’éloigner de terre pour ne pas être affalé avec les vents d’est. Voyage de La Pérouse autour du monde, t. 2, 1797, p. 389.

On pourrait dire aujourd’hui que les manœuvres du commandant Schettino affalèrent le Concordia…

Affaler un cordage, usage plus courant de nos jours, signifie descendre ledit cordage. Il semble, à la lumière des dictionnaires consultés, qu’il est abusif de dire, comme on le fait souvent, affaler une voile. On affale la drisse qui permet d’amener la voile à laquelle elle est dédiée.

Dans un usage transitif, s’affaler signifie se laisser glisser le long d’un cordage, à l’image d’un Johnny Depp en plein abordage! Malheureusement, on peut aussi s’affaler dans les canots de sauvetage, à l’image de Schettino, toujours lui!

Il est aussi possible d’affaler quelqu’un, au sens de le faire descendre. Ainsi, les prisonniers sont affalés à fond de cale. Le capitaine du port de Livourne a tenté d’affaler Schettino, en lui demandant de quitter la chaloupe où il s’était réfugié alors que le Concordia coulait (comme vous l’aurez compris, l’exemple se décline trop bien pour l’abandonner!).

… à l’imagé!

Comme toujours dans la rubrique bons mots, je m’attache à des expressions aux usages à la fois terrestres et maritimes. La forme la plus connue à terre désigne le fait de s’allonger de tout son long, voire de se vautrer. Qu’il est bon de s’affaler dans le canapé après une longue journée de travail!

D’autres formes moins connues existent:

Affaler un tapis qui signifie l’étendre par terre

Affaler quelqu’un a le sens de le coucher :

Du premier coup de poing, je l’ai affalé. Rossignol, Dict. d’argot, argot-français et français-argot,1901, p. 4.

S’affaler peut signifier également se coucher, comme l’atteste l’ancien argot de l’Ecole Polytechnique :

On s’étend sur le parquet, ou plutôt, pour employer la locution familière aux élèves, on s’affale sur le géométral. G. Claris, Notre École polytechnique,1895, p. 114.

Enfin pour terminer, s’affaler signifie également dans l’argot de la police avouer, dénoncer. Le prévenu s’affale lorsque ses forces à bout, il amène les voiles et lâche ses complices. Alors une dernière question se pose, Schettino s’affalera-t-il en fin de procès en avouant ses torts? Devra-t-il aller s’affaler sur la couchette de sa cellule après le verdict, ou pourra-t-il le faire dans son canapé?

Sources :
CNRTL : définitions et nombreuses informations
Littré : dictionnaire ancien numérisé par la BNF
Crédits photographiques :
Affaler un spi : Etienne Valois

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