Réflexions et infos navales, littorales et portuaires

Marseille, la sardine et le ministre

Sardines

Sardines

En cette période d’élections municipales, Marseille est au cœur des discussions, l’occasion pour les médias de s’intéresser à la cité phocéenne. C’est ainsi qu’à l’écoute de l’émission que Philippe Meyer lui consacrait sur France Inter dans « La prochaine fois je vous le chanterai », m’est venue l’envie d’évoquer l’origine de la célèbre sardine qui boucha l’accès au Vieux-Port de Marseille.

Renseignements pris, l’histoire s’avère réellement politique. Le ministre évoqué ici n’est ni l’ancien ministre de la ville J-C Gaudin, ni le titulaire de la place Beauvau en visite pré-électorale, mais bien M. Antoine de Sartine, en charge de la Marine de Louis XVI. Ce célèbre responsable de la flotte de guerre française a en effet marqué la Royale par l’organisation qu’il y a imposée et le développement des arsenaux et des fonderies. L’humilité n’était alors pas de mise et il n’était pas nécessaire d’être mort pour donner son nom à un navire. C’est ainsi qu’un armateur bordelais, lançant en 1775 une expédition commerciale vers les côtes de l’Inde, avait baptisé Sartine sa nouvelle frégate. Celle-ci a connu une vie fort tumultueuse que je ne détaillerai pas ici (pour plus d’informations, voir les références en fin d’article). Réquisitionnée à Pondichéry durant le conflit qui oppose la France au Royaume-Uni pour le contrôle des comptoirs indiens, la frégate est capturée et sert ensuite de ponton prison. Dans le cadre d’accords entre les deux pays, le navire rentre en Europe pour rapatrier des prisonniers. Une confusion fâcheuse a alors lieu : le pavillon de trêve blanc surmontant un petit pavillon britannique est confondu avec le pavillon royal français, lui-même d’un blanc uni. Prenant la Sartine pour un ennemi, un navire anglais la bombarde au large du Portugal. Le capitaine trouve la mort et son second, peu expérimenté, le remplace. C’est ainsi qu’à son arrivée à Marseille, le pilote novice l’échoue à l’entrée du Vieux-Port. Ne reste plus qu’un petit effort de prononciation pour que le Sartine se transforme en sardine. (Les orthophonistes vous confirmeront que cette modification du t en d est fort commune…). Il est amusant de noter que le blason des Sartine arbore trois sardines argentées.

Une autre théorie intéressante rappelle que « sarde » était le nom de la chaîne qui, tendue entre les deux tours, fermait l’accès au port. Sa déformation aurait pu donner sardine.

Force est de constater qu’il est plus plaisant d’attribuer à l’exagération marseillaise la capacité de porter la taille d’une sardine à celle d’une baleine. Il suffit d’écouter les discours à la Marius de nos candidats actuels pour voir que de coller à cette image phocéenne est aussi essentiel aux yeux des marseillais que des « estrangers »! A quand les galets jades sur les plages du Prado…??

 

Plus d’informations sur le voyage du Sartine : Les mésaventures du vaisseau Le Sartine aux Indes Orientales (1776-1780)
Marseille en chansons : Marseille comme si vous y étiez (3)
 
 
Crédits photographiques (sous licence CC BY 2.0) :
Sardines : Jeanne Menj

Laisser un commentaire